(…)L’ère
nouvelle commençait ; le roi avait été mis en jugement, la République une et
indivisible, seule contre l’Europe en armes, se levait pour vaincre ou pour
mourir (…)
Un tribunal
révolutionnaire à Paris, quarante ou cinquante mille comités révolutionnaires
répandus sur toute la surface du territoire ; une loi des suspects, menaçant la
vie et la liberté de chacun, mettant l’innocence et l’honnêteté à la merci de
la fureur et du crime ; les prisons gorgées d’individus non coupables, et qui
ne pouvaient obtenir qu’on écoutât leurs plaintes : tel était l’ordre de choses
actuellement en vigueur ; et l’application en paraissait ancienne, bien qu’elle
eût tout au plus quelques mois d’existence. Enfin, dominant tout le reste, une
horrible figure, la guillotine, inconnue peu de temps avant, était aussi familière
à tous les regards que si elle eût existé depuis la création du monde.
Elle servait de
thème aux plaisanteries populaires : c’était le meilleur moyen de guérir le mal
de tête, un remède infaillible pour empêcher les cheveux de blanchir, le barbier
qui vous rasait de plus près. Quiconque embrassait la guillotine, regardait par
la fenêtre, puis éternuait dans le sac. Elle était devenue le signe de la
régénération humaine, et remplaçait le crucifix ; de petits modèles de cet
instrument libérateur décoraient les poitrines, d’où la croix avait disparu ;
et l’on offrait à la guillotine les hommages que l’on refusait au Christ.
Elle fit couler
tant de sang que le terrain qui la portait s’en détrempa, et que le bois de sa
charpente en pourrit (…)
“Le Conte
de deux cités” de Charles Dickens
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